Nous sommes toujours entre deux provocations verbales du ministre de l’Intérieur, aux limites de l’acceptable parfois. Après le meurtre déplorable d’un enfant de onze ans à La Courneuve, il a ainsi proclamé, lors d’une très médiatique visite à la famille, vouloir "nettoyer au propre, comme au figuré, la Cité des 4000", en précisant, pour être bien compris : "Dès demain, on va nettoyer au Karcher la Cité des 4000. On y mettra les effectifs nécessaires et le temps qu’il faudra, mais ça sera nettoyé".
Outre l’indécence de ces déclarations faites sur les lieux du deuil, leurs résonances pour le moins nauséabondes sont de nature à interpeller les citoyens que nous sommes, attachés à la pensée et à la culture, et attentifs aux sens des discours.
Car le terme de "nettoyage" renvoie évidemment à certains des plus sombres épisodes de l’histoire de la France et du monde.
Outre l’indécence de ces déclarations faites sur les lieux du deuil, leurs résonances pour le moins nauséabondes sont de nature à interpeller les citoyens que nous sommes, attachés à la pensée et à la culture, et attentifs aux sens des discours.
Car le terme de "nettoyage" renvoie évidemment à certains des plus sombres épisodes de l’histoire de la France et du monde.
Nicolas Sarkosy n’a évidemment rien à voir avec tout cela. Mais dans certains de ses propos résonnent d’étranges bribes de mémoire, et se produisent de curieux effets de sens. L’expression "nettoyer au Karcher" suppose de fait que les destinataires de l’opération sont de la saleté ou de la vermine, en aucun cas des hommes.
Le dire de Nicolas Sarkozy est un faire par ses résonances souvent douteuses; par sa rhétorique, sa gestuelle et ses intonations autoritaires ; par sa scénarisation permanente ; par son idéologie très explicitement à droite ; par son ambition à opposer "la" vérité à la gauche et aux démocrates "droits-de-l’hommistes" ; et, surtout, par sa prétention à être en phase avec le peuple : "Moi, je connais le peuple, je parle comme le peuple, je le comprends et le défends".
Il n’en est évidemment rien, cette proximité autoproclamée avec le peuple n’est que l’une des figures bien connues de cette tragi-comédie de la conquête du pouvoir. Au même titre que le jeu calculé (et ravageur) des débordements verbaux.
Il n’en est évidemment rien, cette proximité autoproclamée avec le peuple n’est que l’une des figures bien connues de cette tragi-comédie de la conquête du pouvoir. Au même titre que le jeu calculé (et ravageur) des débordements verbaux.
A force de voir et revoir tel dirigeant admonester, fustiger ou menacer, on oublie que c’est le dialogue qu’il faudrait réinventer. Le Karcher et l’index réprobateur masquent l’humaine main tendue de l’échange dont nous aurions tant besoin aujourd’hui. Les gesticulations et crispations d’une campagne électorale permanente créent un climat dans lequel les grands enjeux du pays sont rabaissés aux petits intérêts de quelques uns.
Comme si le "nettoyage au Karcher" annoncé par Nicolas Sarkozy s’exerçait déjà sur nos cerveaux, avec l’active complicité de Patrick Le Lay, grand vendeur de "cerveaux humains disponibles" aux annonceurs publicitaires de TF1.